L’épineuse question de la réforme du code de la famille marocain, la mudawwanat al-usra, a refait surface à l’occasion de la fête du trône de 2022, lorsque le roi Mohammed VI a mis l’accent sur la nécessité d’atteindre le principe de « parité ».

 

« Dans toute la Méditerranée, la notion d’honneur se situe entre les jambes des femmes »
Ömer Zülfü Livaneli, Délivrance – Gallimard, 2006.
« Je ne pardonnerai jamais à mon pays, je ne pardonnerai jamais au Maroc…à ce jour …j’ai 39 ans…j’ai travaillé comme une esclave… je n’ai trouvé personne… j’étais brisée…seule… jetée avec mon fils...Jamais l’État n’a fait quelque chose pour moi…Moi je voulais juste un lieu pour placer mon enfant… Au lieu d’emballer une seule caisse dans mon usine… J’aurai pu en faire dix… Mais j’avais les pieds et les mains liés…L’État ne m’a pas protégée, ne m’a pas encadrée, n’a pas protégé mon enfant…Aujourd’hui il court dans les rues, il est devenu fou… J’aurais tellement voulu que Dieu me ramène à lui pour arrêter cette souffrance »[1].
Le droit de la famille tunisien s’est construit autour de la notion de nasab, qui ne correspond pas à la notion de filiation du droit français. Il faut tenir compte de cette donnée lorsqu’on se penche sur le statut juridique des enfants nés dans le mariage ou hors mariage. En particulier, il est intéressant d’analyser le rapport entre la preuve du nasab et l’attribution du laqab d’un point de vue juridique et anthropologique, pour s’apercevoir de la direction du changement au sein de la société tunisienne.
Le droit tunisien est certainement, parmi ceux des pays arabes, celui qui est le moins directement marqué par l’influence normative islamique. Dès 1956, Habib Bourguiba œuvra à l’élaboration d’un code du statut personnel et des successions interdisant la polygamie, la répudiation unilatérale de l’épouse par son mari, la contrainte matrimoniale (le ǧabr). Furent également supprimés les biens de mainmorte (ḥabūs) et leur intégration dans le domaine public (décrets du 31 mai et 18 juillet 1957), celle des juridictions religieuses musulmanes (et juives) dont les attributions furent transférées aux tribunaux ordinaires (décrets des 3 août, 25 septembre et 25 octobre 1956) et l’instauration de l’adoption, pourtant interdite par le droit musulman (loi du 4 mars 1958). Son successeur, Zine El Abidine Ben Ali, poursuivit ces réformes en instaurant en 1993 le partage de l’autorité parentale entre le père et la mère.